C’est une histoire de famille comme on les aime. Celle d’éleveurs de bétail qui se sont lancés dans la production de fromage de chèvre et ont transmis, via l’entreprise familiale, leurs racines ancrées dans le terroir périgordin et leur passion des bonnes choses. Et aujourd’hui, ces valeurs, c’est Pierre Desport qui les porte fièrement. Alliant les savoir-faire dont il a hérité à son goût de l’innovation, il imagine de nouvelles saveurs sans s’écarter de la tradition.
Le Chêne vert en est à sa troisième génération de passionnés du fromage. “Dans les années 60, mon père François a repris la ferme où ma grand-mère élevait des vaches laitières à Saint-Front-sur-Nizonne, selon Pierre Desport qui dirige aujourd’hui l’entreprise. Et comme il avait une forte personnalité et qu’il aimait le caractère indépendant des chèvres, il s’est séparé de ses vaches pour créer un élevage chevrier qui a compté jusqu’à 300 têtes.”
De Saint-Front à Rungis
François et son épouse Jeanine confectionnaient donc du fromage et le vendaient sur les marchés de Nontron ou de Périgueux. Mais, en 1975, l’entreprise fermière prend un autre virage.
“Le marché de Rungis en était à ses débuts, et comme mon père ne faisait rien comme tout le monde et ne manquait pas d’ambition, il a emprunté un camion à un copain et y est allé”, raconte son fils Pierre. Bilan de l’aller-retour Saint-Front-Rungis : François avait vendu tout son stock en quelques heures ! C’est ainsi qu’il décida de troquer sa casquette d’éleveur contre celle d’artisan fromager. Ce qui fut un franc succès.
Moderniser à chaque génération
Entre-temps, le petit Pierre grandit et prend des forces à coups de fromage de chèvre et de confitures faites maison– ce détail aura une importance pour le futur de l’entreprise. Comme son père, il souhaite devenir artisan fromager.
En 1992, naît une nouvelle fromagerie familiale, dont le nom est inspiré par le majestueux chêne vert plusieurs fois centenaire qui faisait la fierté de la ferme. Un an plus tard, ses études terminées, Pierre rejoint l’entreprise familiale et en reprend assez rapidement les rênes. Dans la foulée, il la modernise, tout en veillant à préserver son ADN, qui n’est autre que son savoir-faire.
Du bio et du local
En 2004, l’entrepreneur fait un virage vers le bio. Il est un précurseur à l’époque, puisqu’aucun vendeur de lait de chèvre bio n’existait dans les environs. “Nous avons travaillé avec AgroBio Périgord pour ne suivre au départ que deux producteurs, avant de créer une filière bio locale, selon Pierre. En 2008, la crise financière mondiale a impacté les cours du lait de chèvre de la filière conventionnelle. Nous avons donc valorisé le lait bio, ce qui a suscité des vocations.”
Nombre de producteurs ont alors adopté les bonnes pratiques pour être dans les clous de l’agriculture bio. “Ça passe par beaucoup de choses, et notamment l’autonomie fourragère et céréalière, comment soigner les chèvres lorsqu’elles sont malades sans utiliser d’antibiotiques… Bref, des choses pas forcément faciles à mettre en place”, précise le chef d’entreprise, qui est un fervent défenseur de cette forme raisonnée d’agriculture.
Une relocalisation heureuse
À présent, plus de 4 millions de litres de lait annuels sont nécessaires pour fabriquer les fromages de chèvre du Chêne vert, auxquels s’ajoutent quelques fromages de brebis. Il y a deux ans, la fromagerie a quitté ses terres pour s’installer à Saint-Martial-de-Valette, après que la vallée de la Nizonne a été classée Natura 2000: “Cela rendait les gros investissements que nous avions à faire impossibles à mener”, explique Pierre. Il est finalement très heureux de cette relocalisation, car elle les a rapprochés des axes routiers.
Son approvisionnement en lait, Pierre le fait en Dordogne et dans les départements limitrophes, dans un rayon qui ne dépasse pas les 100 kilomètres.
Innovation et réinvention
Aujourd’hui, alors que l’entreprise emploie une cinquantaine de personnes et s’approvisionne auprès d’une trentaine de producteurs de lait, son sens de l’innovation tutoie à merveille son savoir-faire. Une gamme pâtissière a été lancée : des fromages en forme de gâteaux pour que fromage et dessert ne soient plus un choix à faire.
À côté, figure la gamme de fromages fourrés en mode sucré (confiture de figue, de citron ou de mirabelle… – et voilà que revient le souvenir d’enfance de Pierre) ou en mode salé (tomate, poivron ou carotte…). Sans oublier la gamme “boules de neige” nature, à la noix ou cendrées au penicillium (champignon qui forme le duvet du camembert et du brie). Ou comment se servir d’un socle familial et traditionnel pour se réinventer sans cesse, depuis Rungis aux confitures de notre enfance.
Par Frédéric Lafeuille-Lemont

Article paru dans le magazine L’Édition Périgord spécial économie 2024
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